Il a eu exactement la même jeunesse que nous, comment a-t-il pu sombrer dans une telle folie ?


Issu de la vieille noblesse et natif de Versailles, Xavier Dupont de Ligonnès a traversé toutes ses années lycée avec son ami Bruno. De 1975 à 1978, les deux gamins font les 400 coups à «Saint-Ex», le lycée catholique de Versailles. Aujourd’hui à la tête d’un cabinet de conseil à Boulogne-Billancourt, Bruno est forcément «abasourdi par cette histoire».Trente ans le séparent des bancs du lycée, mais Bruno accepte pour Libération de se souvenir du Xavier de Ligonnès adolescent. Par flashs, lui reviennent l’immense poster des rues de Paris qui cachait la tapisserie de la chambre de Xavier, ou cette phrase que répétait le proviseur, M. Rouart, à propos du petit Ligonnès : «S’il attachait autant d’importance à ses études qu’à sa tenue, ce serait parfait.» Sociable, joyeux, sympa, Xavier a le profil du parfait camarade, toujours prêt pour une fête après les cours. «Bien entendu, on parle d’un milieu versaillais traditionnel, où la notion « d’éclate » était différente d’aujourd’hui. Les sorties étaient plus tenues, les règles plus strictes», tempère Bruno. Il n’empêche, Xavier peut se vanter de recueillir un certain succès. Séducteur bien dans ses baskets, il compte parmi les «populaires du lycée», ceux qui ont le bonheur de faire tomber les Versaillaises en fleur. Bref, pas vraiment l’image du jeune catho coincé qui rythme ses journées par la prière et le bénédicité. Bruno s’est d’ailleurs étonné de lire dans la presse que Xavier de Ligonnès avait grandi dans le cocon de la religion, et qu’il avait reçu «une éducation catholique intégriste». «Je ne vois absolument pas en quoi», rétorque-t-il. «Oui, les Ligonnès étaient catholiques pratiquants, mais comme l’immense majorité des Versaillais de l’époque.» Au lycée, Xavier ne manque donc pas à l’appel au cours d’enseignement religieux, mais sans plus. «De notre bande, c’était bien le seul qui refusait d’être scout. Beaucoup d’entre nous rêvaient d’une carrière militaire couronnée d’un parcours sans faute, des louveteaux jusqu’à Saint-Cyr, pas Xavier. Il n’abordait pas le sujet, c’était simplement pas son truc, pas son univers.» Insouciant comme un gamin, Xavier n’a qu’une obsession : s’éclater. Et pour ça, rien de mieux que sa Speedfire. Un bijou de décapotable bleue, qu’il se plaît à exposer aux yeux du tout-Versailles. «A ma connaissance, cette voiture était bien sa seule passion», confie Bruno. La passion Speedfire lui vient de son père qui, un matin, lui met les clés du bolide entre les mains. Puis plus rien. Sa mère en revanche, Bruno la croisait souvent, seule dans son appartement du centre-ville, rue du Maréchal-Foch. Soudés comme de vrais amis, Bruno et Xavier passent le bac, puis s’éloignent. «En 1979, je suis entré à l’école des cadres, à Neuilly, et lui est parti suivre une cure d’un an dans un sanatorium près de l’île de Bréhat, dans les Côtes-d’Armor.» Les deux compères se perdent de vue. Des années plus tard, Xavier rencontre Agnès, une fille de Versailles qui allait au lycée Notre-Dame de Granchamp. Elle a déjà un fils, Arthur. Ils habitent d’abord à Lorgues (Var) en 1992, puis emménagent à Pornic (Loire-Atlantique) avant de s’installer à Nantes. Xavier de Ligonnès ne cesse de monter des entreprises chimériques «dans le tourisme ou l’hôtellerie», telle la Selref en 2003, et la «Route des commerciaux», un projet de guide pour VRP. Il y engloutit l’héritage de son épouse. Il donne le change en partant sur les routes, soi-disant travailler du dimanche au vendredi. Il ne déclare alors que 4 000 euros de revenus annuels aux impôts. Son père qui avait fait faillite, avait choisi de fuir Versailles pour se réfugier en Afrique afin d’échapper au fisc, laissant tomber sa femme et ses enfants. Xavier Dupont de Ligonnès aurait-il décidé d’effacer ses dettes, ses mensonges et sa famille avec la carabine 22 long rifle héritée de son paternel ?